Steven Soderbergh et MoviePass bouleversent les studios

Cet été, aux États-Unis, le nombre d’entrées dans les salles de cinéma a atteint son plus bas niveau en 16 ans. L’industrie du film américain se questionne sur les changements à venir

Un public lassé par les images de synthèse et une utilisation à l’excès des franchises a fait de l’été 2017 l’un des plus tristes pour les studios Hollywoodiens. Le nombre de tickets vendus l’été dernier a baissé de 10,8% et de 3% sur l’année complète. Seulement « Ça » a sauvé les meubles du Box-Office.

Ce n’est pas le seul bouleversement pour cette industrie : Steven Soderbergh a sorti son dernier film « Logan Lucky » hors des sentiers battus. Loin d’être étranger au système Hollywoodien, il a réussi à garder le contrôle intégral sur son projet. Une méthode de production pas banale dans le système actuel. Avec un chiffre d’affaires mondiales de plus de 35 millions de dollars et un budget de 29 millions de dollars, le film a levé des fonds en vendant les droits de distribution en dehors du territoire Américain. Les fonds accordés au marketing viennent d’autres chaînes de distribution et d’entreprises de streaming comme Amazon.

Soderbergh s’était retiré frustré de l’industrie du cinéma en 2013. Il reprend maintenant sa chaise de réalisateur avec « Logan Lucky », l’histoire de deux frères planifiant de piller la course automobile la plus importante de l’année aux États-unis. Le retour du réalisateur se fait sur un terrain qu’il connaît bien et avec une mainmise intégrale sur la création et les finances de son film.

 

« Je veux que les studios gardent leurs pattes sales loin de mon argent. Je veux contrôler entièrement la production de mon film et son marketing » explique Soderbergh. Ce lancement loin de l’industrie traditionnelle est aussi marqué par les faibles dépenses marketing pour la promotion de « Logan Lucky ». Les studios déploient habituellement des budgets marketing pharaoniques, même s’ils n’en ont pas besoin. Cela leur permet d’augmenter les recettes du film. En temps normal, seule la facture marketing peut s’élever à 40 millions de dollars. Les studios collectent ensuite 15% du total de la vente des tickets après déduction de leurs dépenses et ce qu’il reste revient ensuite au propriétaire du film.

« Je comprends qu’ils résistent à cette nouvelle idée » explique le réalisateur de la trilogie « Ocean » dans une interview au New York Times. « Avec autant d’argent disponible, c’est difficile de réfléchir assis dans une pièce et de décider ensuite de se jeter de la falaise pour tenter autre chose. »

Il est quasi impossible d’amener les studios à changer leurs méthodes marketing ; c’est une vieille machine bien huilée et pourquoi changer un système qui fonctionne ? Pourtant, en 2017, le système commence à se fragiliser. L’offre des industries du divertissement n’a jamais autant été aussi qualitative pour le public. Les plateformes de streaming, les réalisateurs et les acteurs qui choisissent de se s’extraire de l’emprise des studios remettent en question le status quo imposé par Hollywood.

La France, quant à elle, enregistre une faible baisse des entrées en salle. Le CNC note une baisse de 0,8% depuis le début de l’année 2017 avec une augmentation de 5,9% en août par rapport à 2016. Les grands distributeurs et producteurs ne sont pourtant jamais bien loin. Lors du dernier festival de Cannes, la projection de « Okja », financé par Netflix, avait déclenché un tollé médiatique. Tout cela va encore plus loin puisque Netflix refuse de sortir ses films en salle. Cette décision a amené le festival de Cannes à changer ses closes de participation pour 2018 et obligera à prévoir une sortie en salles pour participer. De quoi sécuriser les exploitants de salle mais pour combien de temps ?

Steven Soderbergh and MoviePass challenge the studio system
Le service d’abonnement datant de 2011 présente son tarif révolutionnaire à 10$ par mois le 15 août 2017

MoviePass donne la migraine à AMC

Un autre projet fait trembler les studios et distributeurs dans leur costume Armani : le nouvel abonnement proposé par MoviePass depuis le 15 août 2017. L’entreprise propose aux abonnés un ticket à 10$/mois permettant d’aller au cinéma une fois par jour. AMC, la plus grande chaîne de distribution Américaine, a déclaré qu’elle recherchait activement un moyen de bloquer l’accès à ce service dans ses salles. Le distributeur a également ajouté que la stratégie de MoviePass peut fragiliser l’industrie du film, bouleverser les cinéphiles, les réalisateurs et MoviePass lui-même.

AMC était surtout sur le point de lancer son propre système d’abonnement sur le modèle de MoviePass. Un rappel à ce qui se ferait déjà en France non ?

Le PDG de MoviePass, Mitch Lowe, co-créateur de Netflix, estime que son offre plaît au public ! Ils ont effectivement reçu 400 000 abonnées la semaine dernière. Une rapide évolution mais comment cela fonctionne ? L’entreprise achète les tickets à plein tarif aux exploitants de salles, c’est un fonctionnement à perte pour le moment. Ils s’attendent ensuite à gagner un maximum d’abonnés pour dégager du profit.

« Un programme d’abonnement est un plus pour l’industrie, les distributeurs sont payés plein tarif sur le ticket d’entrée pour chaque ticket MoviePass. Le client entre dans le cinéma avec plus d’argent en poche qu’avant. Il peut dépenser celui-ci aux différents stands et commerces, ce qui permet au cinéma de dégager une bonne marge. » Explique   Eric Wold analyste à B. Riley and Co. dans un entretien au New York Post.

En France, cela fait écho à des offres déjà existantes. UGC et Gaumont-Pathé proposent des abonnements dans leurs salles respectives. Une projet ingénieux pour ces sociétés qui leur permet de garder le public dans leurs portefeuilles. À quand l’arrivée de MoviePass en France pour lancer le débat ?

Ana Victoria Torres

 

 

Pour aller plus loin:

Echos: “La start-up MoviePass lance une offre permettant aux Américains de se rendre au cinéma tous les jours pour moins de 10 dollars par mois”… Article complet

Forbes: “CEO Mitch Lowe Pulls Back The Curtain On MoviePass And Explains Its Economics”… Full article

Sector Cine: “La estafa de los Logan evidencia las posibilidades artísticas de la producción independiente”… Artículo completo   

Giga: “Moviepass: vergleichbare Alternativen in Deutschland”… Vollständig Artikel